La QVT au service du sens du travail

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Pertes de repères, sentiment d’inutilité au travail, ont poussé plus de 4 millions d’américains à quitter leur emploi en novembre 2021. Ce phénomène « The Great Resignation » que l’on traduit par « La grande Démission » semble désormais gagner l’Europe et la France. Il suggère un bouleversement des rapports des individus au travail et souligne le besoin de sens au travail. L’enjeu est fondamental, tant pour les collaborateurs que pour les organisations. Dans ce contexte, la Qualité de Vie au Travail (QVT) est plus que jamais un levier stratégique et de management à considérer.

 

Sens du travail : de quoi parle-t-on ?

« Mon travail a-t-il du sens ? » disposer d’un travail ayant du sens est devenu une véritable priorité pour tout un chacun. Selon Estelle Morin – Professeur à HEC Montréal, reconnue pour son expertise sur le sens du travail – le sens du travail est une « activité par laquelle une personne se définit, s’insère dans le monde, actualise son potentiel et créer de la valeur, ce qui lui donne en retour, le sentiment d’accomplissement et d’efficacité personnelle, voire peut-être un sens à sa vie ». Reconnu tel un facteur de bien-être individuel, le sens du travail est également envisagé par les organisations comme un levier de satisfaction et d’engagement au travail qui impactent positivement la performance collective. Par conséquence, les organisations ont aujourd’hui tout intérêt à saisir cette quête de sens comme une priorité QVT.

« Le sens que je perçois est-il partagé par ma hiérarchie, mon organisation ? » le sens du travail interroge également l’ADN des organisations, les poussant à formuler leur raison d’être. C’est-à-dire à concevoir une ambition d’intérêt général qui guide et répond aux attentes de sens de leur écosystème, non seulement les équipes internes mais aussi leurs clients. Dès lors, développer le sens du travail c’est l’appréhender, avant toute chose, au sein de ses différents niveaux qui, de fait, impactent la QVT.

« 94 % des cadres jugent « très important » d’exercer un métier qui a du sens »

 Apec (2020).

 

Le sens modifie notre rapport au travail

En tant que facteur d’épanouissement, le sens du travail influence positivement le rapport au travail, si le collaborateur perçoit 1) une signification et une valeur à son travail, 2) les finalités attendues par l’exercice de l’emploi, 3) une cohérence entre ses attentes, ses valeurs et ce qu’il parvient à accomplir dans son travail. Si la combinaison de ces trois dimensions conduit au plaisir au travail, son absence peut se traduire par une forme de « démission intérieure » avec des conséquences telles que le désengagement, le « brown-out ». Ce phénomène s’observe notamment dans les situations de « bullshit job » (« emploi à la con »), désignant des activités, des tâches, perçues comme inutiles et aliénantes.  La perte de sens associée à un manque de stimulation peut également conduire à des conséquences psychologiques telles que le « bore-out » (syndrome d’épuisement par l’ennui).

Le modèle d’Estelle Morin développé en 2003 a permis de regrouper huit « sources de sens » associées à l’emploi réalisé : l’éthique, l’autonomie, le soutien, l’utilité, l’apprentissage, la reconnaissance, les relations et le plaisir. Selon le rapport de la Harward Business Review, 80% des salariés souhaitent que leur hiérarchie se soucie davantage de leur sens du travail (Achors et collaborateurs, 2018).

 

Comment manager par le sens du travail ?

D’un point vue managérial, le sens du travail peut être initié et développé à trois niveaux.

Relation one to one : Le manager donne une vision claire des objectifs et de leurs enjeux. Il fournit au collaborateur les informations nécessaires à la compréhension de son rôle au sein de la chaine de valeur dans laquelle s’inscrit son travail. Le salarié peut ainsi identifier sa contribution personnelle et prendre pleinement le contrôle sur l’objet de son travail. Le manager prend également en compte ses besoins dans la définition des moyens techniques et organisationnels en s’appuyant sur ses connaissances, ses compétences et son expérience. La définition commune du cadre de l’activité offre ainsi des espaces de créativité et d’autonomie nécessaires à l’optimisation de son travail et au développement de ses compétences, dans la perspective des objectifs définis.

Avec l’équipe : le management s’appuie sur la dynamique collective pour accroître le sens du travail. Il articule et explique les rôles et contributions de chacun, en animant les coopérations, les forces au service des objectifs communs. Cela passe par la mise en débat du travail et des problèmes, avec respect et bienveillance, dans un jeu de partage (« je donne et je reçois ») favorisant une reconnaissance mutuelle. Plus les salariés s’ouvriront sur leur vécu au travail, leurs ressentis et leurs relations, plus leur appartenance au collectif fera sens. Il est essentiel que les succès soient appropriés par tous et collectivement valorisés, multipliant ainsi les sources de satisfaction et de plaisir au travail.

En intégrant la finalité de l’organisation : la place que se construit l’organisation dans la société au fil de son action et qui définit sa raison d’être, élève la mission du collaborateur et complète le regard qu’il porte sur son travail. Le manager de proximité donne du sens au quotidien en faisant le lien entre la mission de l’entreprise, les changements macros, le rôle de l’équipe dans ces changements et les implications individuelles. L’ensemble du management contribue à cette cohérence indispensable entre les engagements de l’entreprise, ses valeurs, les décisions stratégiques et les actions de chacun.

 

Finalement, le sens du travail c’est…

La manifestation d’un besoin d’épanouissement personnel et professionnel, qui impact non seulement le collaborateur dans son rapport au travail, mais également l’organisation en termes de performance globale. Véritable enjeu de QVT, le sens du travail est plus que jamais au centre de toutes les préoccupations. Il est néanmoins complexe à articuler car en tant que facteur d’engagement, il peut être contreproductif en masquant les excès d’une implication pouvant mener à l’épuisement professionnel. C’est pourquoi il est important de développer le sens du travail en cohérence avec les autres dimensions de la QVT comme la charge de travail, l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle, le soutien…

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